Lors du dernier tiers du XIXe siècle, les promoteurs internationaux de la « psychologie scientifique » affirmaient vouloir assumer un programme « d'expulsion » systématique des questions métaphysiques du champ de la philosophie. Le principal enjeu intellectuel auquel ces psychologues cherchaient à répondre était celui de la redéfinition du périmètre légitime de la philosophie à l'égard des sciences positives sur lesquelles ils souhaitaient indexer leurs normes de raisonnement et leurs critères de réflexion. A ce titre, les psychologues parlaient d'un « renouvellement de l'enquête philosophique sur des bases empiriques » : ils enjoignaient les philosophes à raisonner sur des « faits » afin d'apporter des réponses neuves, établies sur une base expérimentale, aux problèmes traditionnels de la philosophie. 

En France, l'un des principaux promoteurs de cette voie de réforme a été Théodule Ribot (1939-1916), un professeur agrégé de philosophie qui fut élu en 1888 à la première chaire de « psychologie expérimentale et comparée » au Collège de France. En tant qu'acteur de l'institution philosophique française, comme professeur et comme éditeur de la Revue philosophique, Ribot a élaboré une voie proprement française à la psychologie entendue comme « science indépendante expurgée de toute métaphysique » au moyen d'une alliance avec la médecine du système nerveux : la psychologie pathologique. Quel a été le programme intellectuel de cette nouvelle science humaine qui a conduit les élèves philosophes de Ribot à se faire médecins ? Quelles ont été les objections qu'on leur a opposées sur l'expulsion possible de la métaphysique du champ des études philosophiques et psychologiques ? Nous proposerons d'examiner les stratégies intellectuelles et institutionnelles de ces psychologues