Selon Maine de Biran, le principe de causalité se situe à la source commune des différents types de forces coexistant phénoménalement (effort, forces agissantes ou forces radicales) et des diverses figures de la pensée se succédant historiquement (sciences, philosophie ou métaphysique). Mais le drame de l'homme consiste à avoir scindé cette unique source en deux domaines. En effet, les sciences et la philosophie se sont constituées parallèlement pour thématiser, d'un côté, les phénomènes du monde conçus comme série des effets selon les lois de la physique ou de la physiologie, de l'autre, la conscience conçus comme âme ou moi. Cette scission les a conduites à objectiver ou hypostasier les processus qu'elles étudiaient en ne tenant plus compte de leur dynamique originaire ; cette hypostase et cette scission expliquent leurs apories respectives, dont Hume avait déjà repéré l'origine dans le concept de causalité.
Il s'agit donc de repartir à nouveaux frais en-deçà de cette scission entre l'extérieur et l'intérieur. Or l'histoire des concepts offre à cet égard un nouveau concept à la fois philosophique et scientifique pour opérer ce retour : l'énergie. Et la connaissance de soi propose une méthode généalogique : l'intuition. Du point de vue négatif, ce nouveau départ permet de rendre compte de la nécessité des apories lorsqu'on dissocie énergie et intuition ; du point de vue positif, il ouvre le seul chemin pour revenir au fait primitif précédant toute scission entre l'intérieur et l'extérieur, le sujet et l'objet, le virtuel et l'actuel, la métaphysique et la science, la théologie et la physiologie. Comprendre intuitivement l'énergie permet de saisir la cause dans sa valeur propre.
Le talent philosophique consiste ainsi en l'exercice de cette énergie qui n'est autre que l'intuition capable de ressaisir les processus à travers la production d'effets. Dans le champ de la physiologie, l'énergie intérieure de la cause apparaît alors comme une nouvelle forme de la cause de soi et trouve un nouveau lieu dans le corps propre sous la figure de la sensibilité vitale.