By author > Rey Lucie

Comment la philosophie peut-elle être définie à la fois comme "Science de la vie" et comme "Doctrine de l'Idéal"? C'est ce que notre communication tâchera de comprendre, en arpentant les méandres des textes oubliés du philosophe Pierre Leroux.

Notre attention se portera tout particulièrement sur les articles de l'Encyclopédie Nouvelle, vaste projet co-dirigé par Pierre Leroux et son ami Jean Reynaud de 1833 à 1841, d'abord intitulée Encyclopédie pittoresque à deux sous. Cet ouvrage en huit volumes, sollicitant la contribution de nombreux savants et philosophes, est interrompu avant son achèvement pour des raisons matérielles, affectives et intellectuelles : manque de fonds, brouille entre les deux co-directeurs et désaccords sur les principes philosophiques, politiques et religieux qui fondent le projet éditorial.

L'Encyclopédie nouvelle de Leroux et Reynaud se donne le but ambitieux de produire la nouvelle synthèse des connaissances et des croyances humaines pour le 19e siècle. La tâche est devenue nécessaire suite à la destruction, entérinée par Leroux et Reynaud, de la synthèse précédente, qui a dominé l'univers intellectuel, religieux et politique occidental jusqu'à la fin du 18e siècle. Elle appelle l'imagination et l'élaboration d'une vision et d'une doctrine nouvelles sur lesquelles la société post-révolutionnaire puisse à son tour se fonder et s'associer. Il s'agit de dépasser la crise sociale et morale qui caractérise le début du dix-neuvième siècle : « La société est en poussière. Et il en sera ainsi tant qu'une foi commune n'éclairera pas les intelligences et ne remplira pas les cœurs2 », écrit Leroux dans son Discours aux Philosophes, paru pour la première fois en 1831. Les jalons de cette croyance nouvelle ont été posés par ceux qu'il nomme « nos Pères », à savoir les révolutionnaires de 1789 et 1793. Toutefois leur héritage, résumé dans la formule « Liberté, Égalité, Fraternité », reste un mystère : il revient aux hommes du dix-neuvième siècle de le déployer, de l'interpréter et de le faire advenir.