La notion d'‘inconscient', même avant la célèbre théorie freudienne, a fait l'objet d'un intérêt croissant de la part de plusieurs penseurs et philosophes. En France, on assiste tout au long du XIXe siècle à l'émersion d'un discours sur l'inconscient, visant à définir le statut de ce phénomène (phénomène physiologique ou phénomène psychologique ?).
Bien que la première occurrence du mot ‘inconscient' dans la langue française soit traditionnellement attribuée à Henri-Frédéric Amiel (Journal Intime, réflexions du 1860), ce terme était en fait déjà présent dans la réflexion philosophique précédente et notamment dans le débat sur animisme et vitalisme. En 1858, le philosophe spiritualiste Joseph Tissot théorise l'existence de puissances inconscientes de l'âme – telles que la mémoire spontanée ou le souvenir inconscient – en donnant ainsi une description psychologique de ce phénomène (cette théorie sera ensuite adoptée par plusieurs philosophes de l'école spiritualiste, comme Francisque Bouillier, Paul Janet, Antoine Gratacap, etc.). La perspective de Tissot diverge cependant d'une autre tendance de la réflexion française, laquelle essayait au contraire de donner une définition tout physiologique de l'inconscient. Cette tendance, dont on peut trouver une première ébauche chez les théories de Descartes, Bichat, Cabanis ou Maine de Biran sur la cérébration inconsciente, sera développée par Théodule Ribot dans les années 1870s. En s'appuyant sur les réflexions psychologiques de Mill, Hamilton et Spencer, Ribot concevra en fait l'inconscient comme un phénomène essentiellement physiologique.
Ces deux tendances caractérisent le débat français de la seconde moitié du XIXe siècle. Cependant, loin d'être inconciliables, elles représentent deux façons complémentaires d'adresser la même problématique. À la fin du siècle, Pierre Janet offrira en effet une description à la fois psychologique et physiologique de l'inconscient; et Ribot remaniera sa doctrine, en donnant une place centrale à la notion de kinesthésie.